Droits des femmes contre les extrêmes droites

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En attendant une analyse du programme du FN sur les femmes, pourquoi la couleur des cartables n’a rien d’anecdotique...

dimanche 5 février 2017

Le 26 janvier, Marion Maréchal-Le Pen est intervenue à l’Assemblée Nationale à l’occasion du débat sur le délit d’entrave numérique à l’IVG. Elle s’en est prise aux féministes de façon virulente, égrenant les reproches sur un ton injurieux. [1]
« Vous agitez des menaces qui n’existent pas, des adversaires fantômes. La vérité, c’est que personne aujourd’hui dans le spectre politique ne menace la légalité de l’avortement et son libre accès. »
Tenir de tels propos au lendemain de la mal nommée « Marche pour la vie » du dimanche 22 janvier [2] est assez fort de café ! Ce sont bien des opposant-es à l’avortement qui y ont défilé, et parmi eux des personnalités politiques telles Philippe de Villiers et Christine Boutin, ou quelques membres du FN (qui se sont faits plutôt discrets). D’autres ont exprimé leur soutien à cette manifestation, et notamment les membres de Sens commun, comme Madeleine de Jessey, secrétaire nationale Les Républicains, membre de l’équipe de campagne de François Fillon.
Marion Maréchal elle-même prônait encore en décembre, conformément au programme de son parti [3] le déremboursement de l’IVG, ce qui n’est guère compatible avec son « libre accès » !
Des adversaires fantômes, vraiment ? Peut-être au sens de cette citation d’Amin Maalouf : « Tu as tort [de ne pas croire aux revenants]. Je ne parle pas de ces cadavres griffus qui somnambulent au voisinage des cimetières. Je parle des idées revenantes, tout aussi griffues et sanguinolentes ; tu les rencontreras à tous les âges de ta vie, et tu pourras d’autant moins les tuer qu’elles sont déjà mortes. » [4]

Marion Maréchal poursuit en énumérant les droits des femmes : « Les femmes peuvent voter, elles peuvent travailler ou ne pas travailler, elles peuvent se marier ou divorcer, elles peuvent prendre des contraceptifs, elles peuvent avorter si elles le souhaitent. »
Mais elle ne fait aucune mention des inégalités salariales, des inégalités de la sphère domestique, des violences faites aux femmes ! Tout va bien dans le meilleur des mondes sans doute ! Autant de causes pourtant qui montrent bien que les combats féministes n’ont rien de « dépassé ».
« La réalité c’est que vous êtes des féministes ringardes. Les dinosaures politiques d’un temps soixante-huitard révolu. » Marion Maréchal-Le Pen utilise ici un tour de passe-passe rhétorique dont l’extrême droite est coutumière et qui consiste à inverser les valeurs. Elle essaie de ringardiser le féminisme pour le discréditer. Alors qu’il suffit de creuser un tant soit peu pour voir que le féminisme est toujours du côté du progrès, pour les femmes et leurs droits, mais aussi du progrès pour la société tout entière.
Enfin, elle use carrément de caricature : « Vous êtes la honte du combat des femmes, obsédées par la couleur du cartable, le sexisme de la grammaire, le jouet rose des Kinder [...] Complètement à côté de la plaque. »
Arrêtons-nous deux minutes sur ces sujets, jugés « à côté de la plaque » par Marion Maréchal-Le Pen. La couleur des cartables fait référence notamment au débat provoqué en 2014 par l’achat par la commune de Puteaux (92) de cartables roses pour les filles et bleus pour les garçons [5] provocation vraisemblablement assumée, dans le contexte de l’opposition aux ABCD de l’égalité (dispositif de sensibilisation en faveur de l’égalité femmes/hommes mis en place dans 600 classes à la rentrée 2013, puis abandonné suite aux mobilisations réactionnaires).
Que signifie symboliquement ce geste ? Quel message est transmis aux enfants ? Cette répartition des cartables acte en fait la séparation des sexes, c’est-à-dire la bicatégorisation du système de genre : chacun, chacune doit bien rester dans « sa » catégorie de sexe. On inculque donc aux enfants que cette séparation serait fondamentale, que les filles et les garçons, les hommes et les femmes seraient par nature différents. Cette vision essentialiste sert en fait à légitimer toutes les inégalités, notamment les difficultés des femmes dans l’accès aux emplois et aux responsabilités, et les inégalités salariales. Et c’est bien cette vision-là qui est rétrograde et à l’encontre du progrès, en un mot : ringarde.
Allons plus loin, avec la symbolique de la couleur rose : elle évoque l’univers des princesses, celles qui se font belles en attendant le prince charmant. Poussée à l’extrême, cette logique débouche sur l’hypersexualisation des petites filles, qui intègrent que leur rôle est de plaire aux garçons, puis aux hommes. Et que leur destin est aussi celui de Cendrillon… Fées du logis ou beautés passives, ces images de « la » femme qu’on transmet aux petites filles sont autant de freins à leur émancipation. Non, la couleur des cartables n’a rien d’anecdotique ! Et là aussi les féministes préfèrent la diversité au formatage !