Droits des femmes contre les extrêmes droites

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Le FN, meilleur ami des travailleuses ?

dimanche 11 septembre 2016

Du temps de Jean Marie Le Pen, le FN proclamait son intention de renvoyer les femmes à la maison. Pour poursuivre sa stratégie de dédiabolisation, le FN ne l’annonce plus aussi clairement qu’autrefois mais ses discours les y incitent de façon assez évidente.

Le programme de 2012 parle de salaire parental, et non plus de salaire maternel, ce qui permettrait aux parents « de choisir librement entre l’exercice d’une activité professionnelle et l’éducation de leurs enfants » [1] Mais c’est parfaitement hypocrite quand on sait que 98 % des congés parentaux sont pris par les femmes. Marine Le Pen, dans ses discours, parle d’ailleurs des « femmes au foyer » et de « salaire maternel ». Lors d’une émission sur RMC le 9 janvier 2012, elle réaffirme ainsi une « proposition claire et assez ancienne » du FN pour les « femmes au foyer », celle du « salaire parental » : il s’agit « d’un salaire minimum qui serait accordé aux femmes qui font le choix d’élever leurs enfants » [2] Chassez le naturel...

Le salaire parental est, selon Marine Le Pen, une façon de donner « un véritable statut, un revenu et un droit à la retraite à la femme qui choisit de s’occuper de ses enfants ». Et de justifier : « Les femmes sont les premières victimes de la précarité. Je veux leur donner un autre choix que d’accepter n’importe quoi dans n’importe quelles conditions. » (…) « Moi, j’ai toujours travaillé donc ce n’est pas moi qui vais renvoyer les femmes à la maison. » [3] On peut comprendre que cela rencontre un certain écho, surtout dans un contexte de crise. Mais l’ambiguité du discours est grande.

En mars 2015, l’eurodéputé FN Dominique Martin, lors d’une réunion de la Commission à l’Emploi et aux Affaires Sociales du Parlement Européen, revendique « la liberté des femmes à ne pas travailler ». Ce qui serait selon lui la solution à de nombreux problèmes : « Ça aurait l’avantage de libérer des emplois (pour les hommes, donc), ça aurait l’avantage de donner une meilleure éducation à nos enfants, ça aurait l’avantage de sécuriser nos rues parce qu’ils ne traîneraient pas dans nos rues et ne seraient pas soumis à la drogue » [4] Le travail des femmes serait donc à la source de tous les maux ! Certes, ce discours est excessif, mais nous n’avons pas trouvé de trace de démenti de Marine Le Pen concernant les propos de celui qui fut son directeur de campagne en 2012.

Marine Le Pen va jusqu’à répondre à la journaliste Hélène Jouan que « Le progrès pour les femmes est de rester à la maison (…) parce que beaucoup de femmes servent de variable d’ajustement à toute une série de multinationales » [5] Le progrès social serait donc de les payer à rester à la maison, avec tout ce que les interruptions ont comme conséquences négatives sur les carrières, les salaires, puis les retraites des femmes, et donc sur leur capacité d’autonomie ?

Le 4 mars 2016, sur le blog qu’elle a lancé dans la perspective de la présidentielle « Carnetsd’espérance », Marine Le Pen écrit en réaction à une interview de François Hollande au magazine Elle, qui sous-entend que son féminisme est récent et factice. Elle lui répond en surfant sur l’actualité sociale et met en avant la loi El Khomri, arguant, non sans raison, que le projet de loi constitue « une menace » pour les femmes :
« le statut de la femme est aujourd’hui sous le coup de deux menaces qui s’additionnent ». La formule est révélatrice, les (vraies) féministes ne revendiquent pas un statut de LA femme...
Première menace : « l’immigration massive »… Quelle surprise ! On y reviendra (cf article sur les violences faites aux femmes)
Deuxième menace, la loi El Khomri, derrière laquelle Marine Le Pen voit… la main de l’Europe (ce qui n’est pas inexact par ailleurs) ; elle a l’art de mettre ses bêtes noires en avant.
« Si elle est votée, la loi dite ’’Travail’’ va ajouter beaucoup de précarité à une société déjà tellement précaire. Or nous le savons tous : les femmes sont toujours, et il en sera toujours ainsi malheureusement, les premières victimes de la précarisation économique et sociale. Toujours, ce sont elles qui subissent le plus les temps partiels contraints. Toujours, ce sont les femmes qui servent de variable d’ajustement ». [6]

On peut partager le constat ce qui n’est pas étonnant puisque Marine Le Pen fait son marché dans les argumentations des féministes. Mais appelle-t-elle à participer au mouvement social ? Quelles solutions préconise-t-elle ? Le vrai progrès est de lutter contre la précarité, pour faire valoir les droits des travailleuses et des travailleurs et imposer de nouveaux droits aux employeurs. Mais de cela, le FN ne dit rien. Silence sur les inégalités salariales entre les femmes et les hommes. Ou si, par la bouche de Marie-Christine Arnautu (en 2012 dans le magazine Causette), alors vice-présidente du FN en charge des affaires sociales : « Qu’est-ce que vous voulez ? Qu’on égalise les salaires alors que tant de gens sont au chômage ? » [7]

Pour parachever le tableau, il faut aller voir ce que le FN dit des politiques familiales. En continuant la lecture du programme de 2012, on se rend compte de l’importance donnée aux politiques en faveur de la natalité, dont la revendication d’une « amélioration des prestations familiales pour les familles nombreuses », dans le but de « préserver notre capital démographique », car « Il va aussi sans dire qu’un pays en bonne santé est un pays qui fait des enfants » [8]

Ne nous méprenons pas, il s’agit de faire des enfants français. D’ailleurs Marine Le Pen réserverait les allocations familiales « aux familles dont un parent au moins est Français [9] La boucle est bouclée, les femmes françaises doivent faire des enfants français-es, sans doute pour contrer l’invasion des « hordes immigrantes », voilà leur rôle ! Et le cadre du mariage est rappelé implicitement.
Vous avez dit modernité ?